Je m'ennuie.

Arrivée hier dans ma belle famille, je me retrouve seule ce matin.

Ils sont avec le prêtre pour préparer la messe d'enterrement.

Il fait une chaleur d'enfer.

Je passe mon temps à boire de l'eau fraîche.

Je tourne en rond.

Je fume.

Je crains la journée de demain.

L'enterrement a lieu à 14 heures en plein soleil.

Et je dois rester jusqu'à samedi pour un repas avec les proches.

Pas du tout envie mais je m'y oblige pour lui.

Je n'ai même pas envie de lire.

Tout simplement parce que le lieu ne m'en donne pas envie.

Et je fume encore...

J'entame aujourd'hui une bonne dizaine de jours sans travail.

J'ai toujours mal au dos au réveil.

Du coup, je me lève tôt.

Un café, une cigarette....

Et ma journée débute lentement.

Hier a été un jour calme.

Réunion avec le débile qui nous sert de chef le matin.

Réorganisation de l'accueil sous prétexte de préserver l'emploi.

Mouais...

Prétexte un peu fallacieux.

S'il veut faire des économies, il n'a qu'à supprimer sa voiture de fonction à 500 euros par mois et la voiture de service.

Cela fera des économies d'assurance et de carburant.

L'après midi de permanence a vu arrivé un monsieur alcoolisé, un brin agressif qui demandait une aide financière.

Lui: - Je suis en panne...

Moi: - Heu oui?

Lui: - Je n'ai plus d'argent, je suis endetté...

Moi: - Vous n'avez aucune rupture de ressources donc pas de possibilité d'aide financière d'urgence.

Lui: - Ecoutez moi...

Moi: - Je vous écoute...

Lui: - Je dois me faire hospitalisé, je n'ai pas de quoi me raser, ni cigarettes...

Moi: - Je suis désolée mais il n'existe pas d'aide financière pour l'achat de cigarettes.

Lui: - Mais je ne peux pas tenir sans cigarettes et je n'ai plus rien à manger !

Moi: - Vous allez être hospitalisé donc vous aurez des repas...

Lui: - Entre nous..., entre nous, vous pouvez me prêter de l'argent, je vous donne ma carte et mon code...

Moi: - Hors de question !!!

Lui: - Je ne vous veux plus comme assistante sociale !"

Moi: - Cela ne me pose aucun problème d'arrêter de vous suivre. J'en ferais part à ma chef.

Et je mets fin à l'entretien.

Et il reste planté à l'accueil, espérant je ne sais quoi.

Et il fait son méchant: "Je ne vous veux plus comme assistante sociale !!!"

 Et bien sûr, il a repéré que mon débile de chef se trouvait là.

Qui surveillait les travaux de réaménagement de l'accueil.

Et il fait sa comédie hystérique pendant que je retourne à mon bureau.

Le débile qui nous sert de chef le prend à part et l'emmène à son bureau pour lui parler.

Le débile de chef demande à une de mes collègues de lui rendre service et d'aller acheter un paquet de tabac à rouler.

Ma collègue n'a pas osé dire non.

Et se l'est reprochée après.

Je n'ai rien à lui reprocher.

Le problème ne vient pas d'elle mais de mon débile de chef qui confond clientèlisme et intégrité professionnelle.

D'ailleurs, il n'a aucune intégrité professionnelle !

M'enfin...

Bon...

Je vais aller me réveiller sous le jet de la douche !

Les yeux bleus ont la fâcheuse manie de vouloir me dominer en me culpabilisant.

J'appelle cela de la manipulation.

Manipulation de mes émotions, de mes sentiments.

Il peut toujours essayer.

Je sais très bien ce qu'il veut.

Me rendre objet de ses désirs égocentriques.

Je ne serais jamais son objet.

Les inconnus du tchat me lassent.

Pas envie de nouvelles rencontres dans l'immédiat.

Pour combien de temps ??

Et je vis la vie comme elle vient... 

Et je poursuis mon chemin.

Entre une vie de couple calme et beaucoup trop tranquille.

Voire ennuyeuse, si ce n'est très ennuyeuse.

Et un travail qui m'indiffère de plus en plus.

Les yeux bleus ont repris contact avec moi aujourd'hui.

Ma foi...

Amusons nous et nous verrons bien.

Une nouvelle rencontre qui ne donnera pas de suite.

Très sympa mais pas à mon gout.

J'attends mes prochains congés avec impatience.

Quant à lui, il s'évade en dialoguant virtuellement.

Sauf que je sais qu'il le fait en catimini.

Il est en congés.

Et de mon bureau, je dialogue avec lui sans qu'il sache qui je suis réellement.

Un peu surréaliste comme situation...

 Retour au bureau.

Arrivée bien avant l'heure.

Brancher mon ordinateur portable.

Me connecter en hotspot.

Et commencer cette journée de travail en retrouvant une très chère collègue.

Si généreuse et franche.

Déjeuner sans surprise au bar du coin.

Et apprendre que le stagiaire de l'accueil est là pour nous surveiller.

Surveiller nos allées et venues.

Surveiller nos paroles.

Nous espionner en somme.

Mine de rien.

Mais personne n'est dupe.

Pas même lui.

Alors pour ce qui est de faire remonter dieu sait quoi...

Le débile qui nous sert de chef peut attendre.

Et j'attends toujours le jugement des Prudhommes.

Ou extrême lassitude ?

Elle arrive et fait sa peucherette.

Je déteste ça.

Elle veut que je l'aide pour sa dette d'eau et sa dette locative.

Je téléphone au prestataire.

Elle n'a rien payé depuis un an !

Bé oui..

"Vous comprenez, j'ai du partir de chez moi à cause de mes voisins qui me menaçaient de mort !"

Mouais...

Ben quoi ?

Ça empêche d'être responsable de ses factures ??

Je ne crois pas ...

Je deviens de plus en plus lasse de mon job.

Les gens dans la plainte constante m'épuisent.

Je passe plus de temps à papoter avec des inconnus qu'à travailler.

C'est pathétique.

Et la routine revient...

Voiture en panne électronique.

Dépanneuse.

Assistance.

Voiture de prêt.

Gens chiants.

Mec chiant.

Les Yeux bleus veulent me revoir.

Equilibre ?

Déséquilibre... ?

Ce soir, dîner entre filles.

Collègue seule sans son mari. 

Qui invite.

Histoire de ne pas passer un samedi soir seule.

Égoïsme...

Grisaille du temps.

Pas motivée.

Mauvaise habitude.

Ce manque de motivation.

Et voilà !

Nous sommes de nouveau ensemble !

Nous avons longuement parler.

Il ne veut pas me quitter.

Il tient à moi.

Il m'aime toujours.

Et moi ?

Hé bien, je ne sais plus du coup !

Bon...

Laissons le temps au temps...

Et il pleut...

Et me voilà à me surprendre en plein questionnement.

Ma décision est-elle la bonne ?

Ne vais-je pas la regretter ?

Que de tourments !

Alors, est-ce parce qu'il a rencontré quelqu'un ?

Sûrement !

Mais pourquoi suis-je dans cet état ??

J'essaie de me dire que c'est bel et bien fini puisque JE l'ai décidé mais il reste une part obscure de moi qui résiste.

C'est peut être une question d'orgueil...

Maudit soit il !!

L'émotion de "dépossession" de l'autre, de ne plus avoir de lien, de la distance inévitable qui s'installe entre deux personne qui se sont aimées m'apparaît surréaliste mais elle est, hélas, bien réelle.

Je dois faire le deuil...

Putain !!

C'est chiant !!!

Je bois un gin tonic.

J'écoute de la musique.

Mes pensées se dispersent dans l'alcool...

Vite !

Vite !

Que vendredi soir arrive très vite !!

Mon job me laisse de plus en plus indifférente.

Je passe plus de temps à surfer sur le net qu'à bosser.

Les dossiers sont traités.

Mais je sens bien que mon écoute se fait lointaine.

Mauvais signe...

Les yeux bleus essaient de m'envahir de manière insidieuse.

C'est ce que je ressens.

Que veut-il?

Qu'attend-il?

Que je sois à sa merci?

Ha ! Non !

Sûrement pas !

Et si je postulais pour ailleurs ?

Je vais y réfléchir...

Semaine de travail sans grand intérêt.

Idem pour ce qui est de l'émotion.

Tout s'émousse si vite. 

C'est incroyable.

Je n'en reviens pas moi-même.

Serais-je déjà lassée de ces yeux bleus qui m'avaient tant captivée?

Hé bien...

Je crois que oui.

Ou alors le moment de l'éblouissement n'est pas encore arrivé.

Peu importe.

Du coup, je me sens apaisée.

Je n'aime pas ressentir les tourments que peut faire naître un attachement trop fort, trop soudain.

Distance.

Apaisement ?

Je ne sais pas.

Il veut me voir.

Il en a très envie.

Je me dis qu'alors je verrais si mon ressenti se confirme.

Ou pas.

 C'est un jeu.

Le jeu de la séduction.

Où celui du contrôle des émotions ?

Qui veut contrôler quoi ?

Qui veut contrôler qui ??

Pour ne plus penser à ce bleu tenace, si persistant.

Rien n'y fait.

Le bleu reste tapi dans un coin de mon être.

Prêt à bondir.

Prêt à m'envahir de nouveau.

Jusqu'à me perdre.

Non, rien n'y fait.

Ni les blablas d'inconnus.

Ni la griserie de l'alcool.

Rien...

C'est terrible d'être ainsi.

Comme si une partie de soi n'existait plus.

C'en est épuisant....

Pourquoi ?

Je me sens si pathétique...

Et voilà !

J'ai encore bêtement craqué.

De ma balade en ville, je rapporte des fringues, et, une paire de bottines, même pas en cuir, même pas soldées.

Il restait encore quelques promos de fin de soldes.

Et pourtant, je n'ai besoin de rien.

Ma garde robe est pleine à craquer.

Il faut vraiment que j'arrête.

Tout ce fric pourrait me servir à autre chose.

A préparer ma retraite ???

Faudrait...

Pfffouuuu...

Oui.

Je sais.

Mais le hic lorsque je ne bosse pas, c'est que je fume une double ration de clopes !

Parce que j'ai le temps de le faire.

Et que je n'ai pas besoin d'une autorisation.

C'est complètement nul !

J'essaie de me concentrer sur la lecture d'un essai.

"Le corps aujourd'hui" d'Isabelle QUEVAL.

Résumé: "Un corps nouveau se dessine. longtemps vécu sur le mode de la souffrance, du mystère et de la mort, subi, le corps est depuis un siècle, l'objet d'une révolution.  Mieux connu grâce aux progrès de la médecine, expliqué, inventorié, il est entretenu et soigné, réparé et appareillé. Il n'est plus seulement le lieu du dépérissement et de la finitude humaine; l'attention qu'on lui porte - pharmacologie, chirurgie, génétique, bio et nanotechnologies, cosmétologie, diététique, sport - traduit autant le refus de l'idée de la mort qu'un nouveau type d'investissement identitaire. Maîtriser son corps, c'est assurer identité et destin. La responsabilité individuelle se décuple. Mieux vivre son corps devient être son corps, pour définir, à travers lui, un projet d'existence et de nouvelles représentations du temps."

Un essai à lire dans le silence pour en comprendre tout le sens.

Et même très énervé, le monsieur venu à ma permanence cette après midi.

Je me demande contre quoi il est en colère.

Je lui ai d'ailleurs posé la question.

Il n'a pas trop su y répondre.

Il pense que le système est un "gros caca".

Heu...

Oui, certes mais....

Il y vit dans le système !

Je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir faire pour le sortir de sa colère.

Tant qu'il la refoulera, il fera du "sur place".

Je lui ai fait une lettre pour un recours.

Cest bien le truc que je n'aime pas faire, comme ça, à la va vite.

Mais je suis restée patiente et j'ai écris.

Le conseil général lui a retiré 100 euros sur son allocation RSA.

 Une sanction pour ne pas avoir tenu ses engagements.

Alors que c'est tout le contraire !

Du n'importe quoi !!

Je ne sais pas s'il aura gain de cause.

Je l'espère.

J'ai le sentiment qu'il ne croie plus en grand chose.

J'ai aussi reçu un jeune couple.

Je fais le suivi de monsieur.

Ils ont deux enfants et ont décidé de vivre ensemble.

Dès les premières minutes, je me suis dit que leur future vie ensemble sera agitée.

C'est qu'elle a du caractère la demoiselle !

Et lui aussi !

C'est marrant d'observer la distance qu'ils avaient mis entre eux.

A un moment, j'ai bien senti cette distance grandir lorsqu'elle lui a légèrement tourné le dos pour regarder de l'autre côté.

J'ai osé leur dire que leur relation était un peu électrique.

Ils l'ont reconnu en riant.

L'entretien s'est passé dans la gaieté malgré les explications complexes que j'ai du leur donner concernant leur situation administrative.

Et demain ?

Plein de rendez vous...

Pour aujourd'hui.

Bof ! Bof ! Bof !

Journée ennuyeuse...

Mais j'ai découvert que le débile de chef a un profil fessebook.

Le plus rigolo - si on peut qualifier ça de rigolo - c'est qu'il n'utilise pas sa véritable identité.

Ha ! La ! la !

J'ai découvert cela le plus simplement du monde.

Môsieur a tout simplement oublier d'effacer l'historique sur l'ordi à disposition des salariés pour les mails professionnels.

Quel imbécile !

Dans quel état j'erre ??

Et sinon ?

Youpii!

Je suis en week end !!!

Je vais enfin avoir le plaisir indicible de traîner dans le lit demain matin.

Ça me ravit rien que d'y penser !

Je vais me planter devant la télé...

C'est la looooose totaaale !!

Mon Dieu !

Tournez manège le retour !!!

Aaaaaarghhhh !

Vite zappons !!!

Alors ?

Ma journée ??

Cool !

Le seul rendez vous du jour n'est pas venu.

J'ai eu une réunion avec le débile de chef et le président.

Prévention des risques.

Bof !

Le débile de chef n'a aucune réflexion constructive concernant la prévention des risques psychosociaux.

Il a passé son temps a interrompre le président.

Je l'ai trouvé très méprisant.

Le seul truc de positif est que nous aurons de nouveaux bureaux la semaine prochaine.

C'est un moindre mal.

Le plateau de verre de mon bureau s'est désolidarisé de la structure porteuse...

Les tiroirs ne tiennent pas...

Il était tout fier de ces bureaux si design.

Mais de très mauvaise qualité.

Et demain encore une réunion !

Et toujours avec lui !

Pffffouuuuu....

Allez !

Une dernière cigarette...

Bien gardés ??

Quand on va à la photocopieuse, on peut y trouver des choses très intéressantes.

Comme par exemple, les comptes de la boîte.

Ou encore une lettre de motivation d'une salariée qui souhaite quitter son poste.

Un bon tiers des salariés recherchent un emploi ailleurs.

C'est comme sur le réseau informatique.

Pas besoin de creuser, de fouiner très profondément pour trouver des informations.

Tiens ! Une autre lettre de motivation.

Bonjour la discrétion et la confidentialité des données !

Et sinon ?

Dossiers qui s'accumulent...

Rendez vous qui donnent envie de rien.

Sous chef qui ne pense qu'aux chiffres.

Déjeuner en solo au bar du coin.

Pas besoin de faire la conversation quand la seule envie du moment est celle de se taire.

Je vais essayer de me coucher tôt ce soir...