De tout.

Je me ressens détachée.

Je vais travailler sans penser à rien.

Je me sens comme un somnambule qui traverse la vie sans un regard autour de lui.

Est ce ma liberté retrouvée qui me rend ainsi ?

Je suis loin de rester sans questionnement.

Mais j'évite soigneusement de les faire remonter à la surface de la réalité.

Quant aux yeux bleus, je reste là aussi dans une forme de distance.

Et nous poursuivons un jeu de séduction.

Jeu qui me semble de plus en plus factice.

C'est une étrange sensation.

Comme un flottement entre deux eaux...

D'une histoire.

J'ai eu comme un déclic hier.

Arrêter.

Tout arrêter.

Avec lui.

Marre de le voir vautré sur le canapé.

Marre de devoir faire sa paperasse.

Marre d'assumer la majorité des tâches ménagères.

Marre de lui tout simplement.

Il est resté silencieux.

Je me suis sentie soulagée.

Libérée.

Il partira dès qu'il aura trouvé un logement.

Quand ?

Je ne sais pas...

Vite !

Vite !

Que vendredi soir arrive très vite !!

Mon job me laisse de plus en plus indifférente.

Je passe plus de temps à surfer sur le net qu'à bosser.

Les dossiers sont traités.

Mais je sens bien que mon écoute se fait lointaine.

Mauvais signe...

Les yeux bleus essaient de m'envahir de manière insidieuse.

C'est ce que je ressens.

Que veut-il?

Qu'attend-il?

Que je sois à sa merci?

Ha ! Non !

Sûrement pas !

Et si je postulais pour ailleurs ?

Je vais y réfléchir...

Il pleut.

Je suis au bureau.

Seule.

Mes collègues sont en congé cette semaine.

La gouttière laisse échapper un filet continu d'eau qui fait Ploc ! Ploc !

J'ai juste envie d'être chez moi.

Envie d'être zen.

Je sors d'un entretien où le jeune homme ne parlait pas un mot de français.

Dur ! Dur !

Aujourd'hui, il est venu accompagné d'une connaissance qui a fait une traduction approximative.

Je me demande bien comment je vais pouvoir l'aider si nous ne nous comprenons pas.

Pfffffouuuuuuu...

J'ai trois demandes d'aide financière à faire.

Pas envie....

Faudra bien quand même !

Pour égayer l'ambiance du bureau, j'ai apporté un chlorophytum qui dépolluera l'atmosphère.

J'ai envie de frites croustillantes...

Semaine de travail sans grand intérêt.

Idem pour ce qui est de l'émotion.

Tout s'émousse si vite. 

C'est incroyable.

Je n'en reviens pas moi-même.

Serais-je déjà lassée de ces yeux bleus qui m'avaient tant captivée?

Hé bien...

Je crois que oui.

Ou alors le moment de l'éblouissement n'est pas encore arrivé.

Peu importe.

Du coup, je me sens apaisée.

Je n'aime pas ressentir les tourments que peut faire naître un attachement trop fort, trop soudain.

Juste une heure en sa compagnie.

Une envolée des corps.

Et ?

Heu...

Ben...

heu....

Je crois bien qu'il est fort possible que cela confirme mon ressenti.

Celui de la distance à prendre.

C'est fou comme on peut s'emporter.

Et se rendre compte combien tout ce tourbillon émotionnel n'était au fond qu'une fugace invention de l'esprit.

Le revoir ?

Peut être...

Je ne sais pas....

Je laisse le temps en décider.

Distance.

Apaisement ?

Je ne sais pas.

Il veut me voir.

Il en a très envie.

Je me dis qu'alors je verrais si mon ressenti se confirme.

Ou pas.

 C'est un jeu.

Le jeu de la séduction.

Où celui du contrôle des émotions ?

Qui veut contrôler quoi ?

Qui veut contrôler qui ??

Laisser exister les sentiments...

 Prendre le temps.

Vivre au présent.

Oui.

C'est ce que je fais.

A présent.

Que je gagne ou pas.

C'est le moment où on essaie de faire un break mental.

Ma journée a été calme.

Inintéressante sur le plan du travail.

Papoter avec les yeux bleus.

Jouer la séduction virtuelle.

Séduction par les mots.

Et tout d'un coup...

Se dire que tout cela est bien factice.

Et alors...

Tout ce fatras d'émotions s'enfuit.

Et la sérénité revient.

Et on se dit que tout ça n'est qu' illusion.

Pour ne plus penser à ce bleu tenace, si persistant.

Rien n'y fait.

Le bleu reste tapi dans un coin de mon être.

Prêt à bondir.

Prêt à m'envahir de nouveau.

Jusqu'à me perdre.

Non, rien n'y fait.

Ni les blablas d'inconnus.

Ni la griserie de l'alcool.

Rien...

C'est terrible d'être ainsi.

Comme si une partie de soi n'existait plus.

C'en est épuisant....

Pourquoi ?

Je me sens si pathétique...

Au réveil.

Temps toujours aussi gris.

Froid intérieur.

Absence.

Fichu mélancolie !

Le bleu s'éloigne de mes pensées.

Peu à peu.

Pas envie de sortir faire des courses.

Et je fume...

Levée tôt pour aller au conseil des prud'hommes.

Arrivée pile à l'heure.

Ecouter le blabla de mon avocat, celui de la partie adverse.

A 10 heures, sortir de la salle.

Dans le vent, le froid et sous la pluie.

Humeur morose.

Plus rien dans les neurones.

Juste revenir chez soi.

Se poser.

Ne plus penser à rien.

Tenter de rester zen.

Et oublier ces yeux bleus qui m'obsèdent.

J'écoute Overcome de Tricky.

Ça me rend mélancolique.

En plus, il fait gris dehors.

Ne rien faire m'endort.

Mes pensées fluctuent...

Et elles m'envahissent.

Un peu trop...