Retour au bureau.

Arrivée bien avant l'heure.

Brancher mon ordinateur portable.

Me connecter en hotspot.

Et commencer cette journée de travail en retrouvant une très chère collègue.

Si généreuse et franche.

Déjeuner sans surprise au bar du coin.

Et apprendre que le stagiaire de l'accueil est là pour nous surveiller.

Surveiller nos allées et venues.

Surveiller nos paroles.

Nous espionner en somme.

Mine de rien.

Mais personne n'est dupe.

Pas même lui.

Alors pour ce qui est de faire remonter dieu sait quoi...

Le débile qui nous sert de chef peut attendre.

Et j'attends toujours le jugement des Prudhommes.

Ou extrême lassitude ?

Elle arrive et fait sa peucherette.

Je déteste ça.

Elle veut que je l'aide pour sa dette d'eau et sa dette locative.

Je téléphone au prestataire.

Elle n'a rien payé depuis un an !

Bé oui..

"Vous comprenez, j'ai du partir de chez moi à cause de mes voisins qui me menaçaient de mort !"

Mouais...

Ben quoi ?

Ça empêche d'être responsable de ses factures ??

Je ne crois pas ...

Je deviens de plus en plus lasse de mon job.

Les gens dans la plainte constante m'épuisent.

Je passe plus de temps à papoter avec des inconnus qu'à travailler.

C'est pathétique.

Et la routine revient...

Je râle !

Elle m'agace !

Cette dame qui vient à l'impoviste.

Non, l'assistante sociale n'est pas disponible pour tout et n'importe quoi !

Et que je l'envoie sèchement se bouger un peu le popotin !

Non mais !

Je ne suis pas en libre service !

Arghhhh !

Vivement vendredi !

Il pleut.

Je suis au bureau.

Seule.

Mes collègues sont en congé cette semaine.

La gouttière laisse échapper un filet continu d'eau qui fait Ploc ! Ploc !

J'ai juste envie d'être chez moi.

Envie d'être zen.

Je sors d'un entretien où le jeune homme ne parlait pas un mot de français.

Dur ! Dur !

Aujourd'hui, il est venu accompagné d'une connaissance qui a fait une traduction approximative.

Je me demande bien comment je vais pouvoir l'aider si nous ne nous comprenons pas.

Pfffffouuuuuuu...

J'ai trois demandes d'aide financière à faire.

Pas envie....

Faudra bien quand même !

Pour égayer l'ambiance du bureau, j'ai apporté un chlorophytum qui dépolluera l'atmosphère.

J'ai envie de frites croustillantes...

La journée a commencé doucement.

Puis les rendez vous se sont enchainés.

Pause discussion durant une demie heure.

Fou rire.

Et hop !

Sept personnes sur ma permanence !!

Pfffouuuuu !

J'ai la tête qui va exploser.

Avec tout ce que j'ai entendu et tout ce que j'ai dit.

J'en arrivais même à mélanger les mots tant je m'embrouillais dans mes explications...

Expliquer, c'est fatiguant.

Car il faut être clairement comprise.

Et sinon ?

Je fume une dernière cigarette...

Un salarié a appris, au début de la semaine, que son contrat de travail - contrat avenir- ne serait pas renouvelé.

Depuis, il ne cesse de chouiner auprès des autres salariés.

Il rumine son obsession.

Il en veut à notre débile de chef.

Qu'il ne supporte pas depuis des mois.

Débile de chef qui a tenté à plusieurs reprises de le rabaisser.

Il pensait qu'en en faisant part plus haut, il serait entendu.

Peine perdue.

Le chef  n'a pas eu besoin de faire grand chose pour le déstabiliser.

Il le regardait fixement, juste un petit moment, avec mépris.

Je lui avais conseillé de ne rien espérer et de chercher ailleurs le plus tôt possible.

Ses pleurnicheries m'exaspèrent.

Son obsession m'agace prodigieusement.

Je l'avoue.

Je n'ai pas vu le temps passé cette après midi.

J'aurais bien aimé me noyer dans le bleu.

Plutôt qu'être submergée de blablas.

Cette journée de travail m' a semblé inintéressante au plus haut point.

Mais elle s'est rapidement achevée.

Sous la pluie...

Vais me coucher...

Ça me fera du bien.

Et puis c'est l'heure !

Et même très énervé, le monsieur venu à ma permanence cette après midi.

Je me demande contre quoi il est en colère.

Je lui ai d'ailleurs posé la question.

Il n'a pas trop su y répondre.

Il pense que le système est un "gros caca".

Heu...

Oui, certes mais....

Il y vit dans le système !

Je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir faire pour le sortir de sa colère.

Tant qu'il la refoulera, il fera du "sur place".

Je lui ai fait une lettre pour un recours.

Cest bien le truc que je n'aime pas faire, comme ça, à la va vite.

Mais je suis restée patiente et j'ai écris.

Le conseil général lui a retiré 100 euros sur son allocation RSA.

 Une sanction pour ne pas avoir tenu ses engagements.

Alors que c'est tout le contraire !

Du n'importe quoi !!

Je ne sais pas s'il aura gain de cause.

Je l'espère.

J'ai le sentiment qu'il ne croie plus en grand chose.

J'ai aussi reçu un jeune couple.

Je fais le suivi de monsieur.

Ils ont deux enfants et ont décidé de vivre ensemble.

Dès les premières minutes, je me suis dit que leur future vie ensemble sera agitée.

C'est qu'elle a du caractère la demoiselle !

Et lui aussi !

C'est marrant d'observer la distance qu'ils avaient mis entre eux.

A un moment, j'ai bien senti cette distance grandir lorsqu'elle lui a légèrement tourné le dos pour regarder de l'autre côté.

J'ai osé leur dire que leur relation était un peu électrique.

Ils l'ont reconnu en riant.

L'entretien s'est passé dans la gaieté malgré les explications complexes que j'ai du leur donner concernant leur situation administrative.

Et demain ?

Plein de rendez vous...

C'est le titre du roman que j'ai lu ce matin.

Un roman de Jean Bernard POUY qui se lit très facilement.

Résumé : "Parce qu'un pépé, une nuit, ramassé par les gendarmes avec plus de 2 grammes dans le sang ramassé par les gendarmes  raconte que ce sont des satanistes qui lui ont fait avaler tout cet alcool, Armand, grand rocker devant l'éternité correspondant  local d'un quotidien breton, se lance, avec un sens inné du binaire, dans une enquête aussi absurde que dérisoire. C'est qu'il s'en passe des évènements dans cette contrée oubliée par le mouvement général. Armand va apprendre, à ses dépends, qu'on ne s'improvise pas détective et qu'il ya loin du pireau  au Poirot."

Sur les quatres rendez vous de la matinée, trois se sont excusés.

Le quatrième a appelé dans l'après midi pour s'excuser aussi.

Et dans l'après midi, toute aussi calme, j'ai commencé la lecture d'un autre roman.

Résumé : "Maria, trente et un ans, est une actrice de seconde zone à Hollywood. Son mariage s'est soldé par une divorce et sa petite fille de quatre ans est internée. Pour oublier pour s'évader, elle sillonne dans sa Corvette les routes arides et sèches de la Californie. elle pleure souvent au volant, roules des heures entières, mais cette fuite ne mène nulle part. Le désert est partout. En quatre vingt quatre scènes brèves comme les séquences de cinéma, Joan Didion donne une version épurée et stylisée d'un certain cauchemar américain. "   

L'aridité des sentiments, la dureté des situations décrites laissent un goût étrange voire quelque peu aigre lorsqu'on referme le livre, ne serait qu'un instant pour très vite reprendre la lecture...

J'ai déjeuné seule.

C'était bien.

Mouais....

Je suppose que c'est à prendre au deuxième ? troisième degré ?

Et nous avons papoté encore et encore....

Et nous avons été médisantes !

Rhaaa la la !

C'est ça de ne pas avoir de travail.

On s'occupe comme on peut.

Au milieu des cartons et du mobilier en partance.

La sous chef m'a ajouté un rendez vous.

Trop chouette !

Sans me le dire.

Evidemment...

Pfffft !

Si c'est pas mesquin ça ?

Cette après midi.

Conclusion : on navigue à vue avec toutes les nouveautés du moment.

Les procédures sont floues.

On fait comment ??

Et pour les gens ?

Ben, on les balade !

Et on leur supprime la gratuité des transports.

Surtout pour les pauvres mères de famille.

Ou encore ceux qui ont des problèmes de santé.

Ben quoi ???

Ces gens là ne font rien.

Ils s'occupent d'eux, de leur mômes.

Pas de mode de garde pour les mères de famille donc pas disponibles pour une démarche d'insertion.

Ils vont parfois chez le médecin surtout ceux qui ont plein de problèmes.

Ils font des courses.

Ils vivent comme tout un chacun.

Et donc se déplacent.

Hé bien, désormais, ils iront à pied.

Ou alors ils paieront la moitié d'un ticket de bus.

C'est chouette la demi gratuité !

Et se priveront de manger.

Ou de payer leur facture.

Et viendront demander une aide financière.

Un jour ou l'autre...

Pfffffffouuuuuu...

Et pendant ce temps ?

Les bureaux  ont été changés.

De grands plateaux en mélaminé hêtre ont remplacé les bureaux au plateau de verre design.

Ce sera plus facile à nettoyer pour la femme de ménage !

Je ne sais ce que j'ai ce soir.

Mais je me sens très fatiguée.

C'est fatigant !

Cette semaine va être calme en rendez vous.

Jusqu'à aujourd'hui, j'en avais seulement deux de programmés.

J'en ai rajouté un troisième pour jeudi matin.

Une dame est venu à l'improviste.

Elle vient toujours ainsi.

"Tu es gentille" dit-elle.

Mouais...

J'aime pas trop qu'on me dise ce genre de trucs car ça me gêne toujours, que cela soit sincère ou pas d'ailleurs.

Bon...

Ça tombait bien qu'elle soit venue.

 Je voulais la voir.

La très bonne nouvelle c'est qu'elle a obtenu un logement grâce à la loi DALO.

Elle vit avec son fils de huit  dans une chambre meublée d'environ 11m2 d'un hôtel pourri.

Tenu par un marchand de sommeil.

Les toilettes et les sanitaires sont collectifs et situés à l'extérieur.

J'avais la crainte que son dossier soit rejeté.

Mais non !

J'avoue que j'avais fais un rapport décrivant son triste parcours et les conditions actuelles de son logement, de la manière la plus neutre possible mais tout de même très en sa faveur au final.

C'est un peu contradictoire non ?

C'est là, toute la question de mon job.

Comment faire passer, à celui qui décide, un message favorable à l'autre sans pour autant larmoyer et être partiale ?

Je décris peu les émotions ou les sentiments des gens exceptés lorsqu'un évènement le nécessite tel qu'une grave maladie ou encore un décès.

J'écris un premier jet.

Je me relis.

Je rature.

Je réécris tout.

Jusqu'à ce que le texte me convienne.

Je peux passer deux heures pour une demi page d'avis motivé.

Mon texte doit être explicite et compris dès la première lecture.

Tout se décide en quelques minutes.

Et sinon?

Soirée devant Star Wars.

Parce que Sarko, non merci !

C'est pas la joie !

Le débile de chef était d'humeur massacrante.

Il parait qu'il s'est mis à hurler sur les trois sous chefs.

Je ne comprends pas comment elles peuvent se laisser traiter ainsi.

Il n'a jamais crié après moi car je le lui ai interdit.

Simplement en lui disant qu'il n'avait pas à hausser le ton avec moi.

Ce n'est pas la première fois qu'il crie après les salariés.

Personne ne réagit...

Personne ne m'interpelle...

Pffffouuuuu...

Tant pis pour elles...

Qui subissent et vivent dans la crainte.

Et sinon ?

Week end cool, tranquille.

Encore du fric dissolu en fringues...

Mais pour lui.

Et moi ?

J'attends de recevoir un lecteur mp3 !

Pour travailler en musique sur mes dossiers !

Bien gardés ??

Quand on va à la photocopieuse, on peut y trouver des choses très intéressantes.

Comme par exemple, les comptes de la boîte.

Ou encore une lettre de motivation d'une salariée qui souhaite quitter son poste.

Un bon tiers des salariés recherchent un emploi ailleurs.

C'est comme sur le réseau informatique.

Pas besoin de creuser, de fouiner très profondément pour trouver des informations.

Tiens ! Une autre lettre de motivation.

Bonjour la discrétion et la confidentialité des données !

Et sinon ?

Dossiers qui s'accumulent...

Rendez vous qui donnent envie de rien.

Sous chef qui ne pense qu'aux chiffres.

Déjeuner en solo au bar du coin.

Pas besoin de faire la conversation quand la seule envie du moment est celle de se taire.

Je vais essayer de me coucher tôt ce soir...

De toute les discussions de la réunion.

Bavardages sans profondeurs...

Ennui.

Tristesse.

Elle me raconte que sa fille de 20 ans a voulu mourir la veille des fêtes de Noël, que sa mère est mourante, que son fils a un problème psy...

Que lui répondre ?

Elle ne se sent pas prête à consulter pour se libérer de ces poids.

Je l'écoute avec toute l'attention possible.

Elle me sourit malgré sa tristesse.

Je lui rends ce sourire plein de courage et de volonté...

D'une journée sans aucun intérêt !

Deux rendez vous.

Et blablabla....

Déjeuner au bar du coin: délicieux !

Traîner...

Faire semblant de s'activer un peu...

Et voilà !

Une journée de travail bien gérée.

Et demain ?

Je recommencerai...

Ce matin !

Pourtant je ne m'étais guère pressée.

La journée a démarré lentement.

Une bise à droite et une autre à gauche...

Bonne année par ci, meilleurs voeux par là...

Mettre le chauffage à fond vu le froid glacial dans les bureaux.

Et hop !

Sortir les dossiers du jour.

Et attendre que les allocataires se présentent.

La première sur la liste à 10 heures n'est pas venue.

Le deuxième a reçu une réponse pour son dossier de surendettement: moratoire pour 24 mois.

Il s'est enfin bougé pour retrouver un job.

Le troisième est, hélas, complètement naze de médocs pour son problème de santé qu'il a à vie.

La quatrième me téléphone car elle ne peut pas venir.

La cinquième a toujours son toit non réparé depuis fin octobre et a arrêté de payer son loyer depuis deux mois ! Non! Non! Pas bien ça !

Et j'appelle le gars qui a été expulsé la veille de la trêve hivernale :  il s'éparpille au lieu de prioriser ses besoins.

Un autre m'appelle au moment où je pensais justement à lui !

M'enfin...

Journée banale !

Et le gâchis des vaccins anti grippe A !

Tout ce fric gaspillé !

On pourrait en faire des choses avec ce putain de fric !!!

Je déprime à mort !

Journée de travail sans intérêt.

Hormis celui de recevoir un recommandé de mon très débile de chef!

Faut dire qu'à la dernière réunion, je lui ai dit qu'il était un crétin.

Alors forcément...

Je me suis pourtant fendue d'une excuse.

Ce qui ne me ressemble pas du tout.

M'enfin...

J'irais retirer le recommandé vendredi.

Et je fume...

Ma dernière cigarette de la journée.

Totale de motivation.

Blablabla...

Rien de bien constructif.

Routine.

Et...

Toujours des regards en coin.

Faut que je déverse ma démotivation quelque part...

Vite !

Elle reste distante.

Elle se voudrait méprisante à mon égard.

Elle sait.

Elle sait combien je connais ce qu'elle est réellement.

Elle ne sait pas combien elle se noie dans le système qu'elle a inventé.

Et que je suis d'une patience infinie...